Au Chili, au début du XXeme
siècle. Une famille, les Del Valle. Le père est homme politique, la mère et sa fille ont des dons surnaturels, comme celui de pressentir l’avenir. Le prétendant de la fille aînée de la famille
veut devenir riche, et cherche la fortune dans les mines du nord du pays. Malheureusement, sa fiancée meurt, et il décide de se réfugier dans la propriété familiale, ferme qu’il va remettre
sur pied...
Ces événements marquent le début de la fresque que peint Isabel Allende dans ce roman. On y traverse tout le vingtième siècle, avec les événements mondiaux vus de loin (les deux guerres mondiales ont lieu loin du Chili, et sont donc vécues à travers les informations) et les soubresauts politiques du pays, avec la montée des socialistes et des communistes face au pouvoir conservateur.
On est plongé très rapidement et clairement dans les contradictions de la société chilienne, entre propriétaires terriens qui ne pensent que par l’accomplissement individuel, et fermiers soumis à leurs patrons, qui tentent, dans de rares cas, de se révolter. Il est d’ailleurs intéressant de voir comment les révoltés se disputent pour défendre différents moyens d’action (certains réformistes, d’autres beaucoup plus velléitaires ; cette opposition est d'ailleurs toujours vive aujourd'hui...).
Cette grande saga m’a emmené très loin, dans un pays étranger, dans un temps passé, avec les espoirs suscités par l’arrivée au pouvoir d’un nouveau gouvernement et les déceptions liées au renversement de celui-ci par les conservateurs, soutenus par les américains. Isabel Allende y montre de manière très précise comment les opposants à Allende (l'oncle de la romancière (Merci Emmyne pour la correction), tué par la junte suite au renversement de son gouvernement) tarissent les ressources du pays de manière délibérée, en imputant la faute aux dirigeants socialistes.
On croise donc dans ce roman toute une humanité qui sera mise au pas par les conservateurs, incarnés dans le roman par le sénateur Trueba, au profit d’une minorité. Et comment les plus altruistes sont laissés pour compte dans cette guerre qui ne dit pas son nom. On croise dans ce roman Allende, mais aussi Neruda qui l’a soutenu dans ce combat.
Isabel Allende parvient à parfaitement mêler le fantastique, au travers des pouvoirs surnaturels de certaines femmes, et la dimension historique et politique de la situation chilienne. Un très beau roman, mais malheureusement pas très optimiste pour toute personne qui souhaite que les puissants n’écrasent pas la majorité.
Je remercie Lucie qui m’a offert ce roman dans le cadre du swap Eternel féminin organisé par Anjelica. Un très bon choix !!!
P.S : sur l'arrivée au pouvoir d'Allende et le renversement de son gouvernement, je vous conseille le très bon documentaire intitulé "Salvador Allende", de Patrico Guzman
P.S 2 : Et pour les suites de ce putsch militaire, le film troublant et poignant de Costa Gavras, Missing, avec Jack Lemmon et Sissy Spacek.
La maison aux esprits, d'Isabel Allende
Traduit de l'espagnol par Claude Durand et Carmen Durand
Ed. Le Livre de Poche