Je me suis lancé un défi "Emile Zola" sur le long terme. C'est à dire lire, à raison d'un par an pendant vingt ans, l'intégralité des Rougon-Macquart. Et dans
l'ordre de préférence.
Sixième épisode cette année. Après La fortune des Rougon, La Curée, Le Ventre de Paris, la Conquête de Plassans et La Faute de l'abbé Mouret, je me suis donc
plongé dans l'Assommoir. Bon, petite entorse à la chronologie, puisque Son Excellence Eugène Rougon prend normalement la sixième place de la série.
Je ne vais pas vous faire un long résumé de ce roman, car certains d'entre vous le connaissent sûrement, et pour ceux qui ne l'ont pas lu, il est difficile de résumer une telle oeuvre.
Ce qui m'a marqué dans cette relecture (car j'avais lu de très larges extraits lorsque j'étais au collège), c'est la construction de cet ouvrage. Zola dilate dans chaque chapitre des instants
: des scènes qui ne durent que quelques heures sont détaillées sur de très longues pages. On entre donc dans l'intimité de cette scène, dans tous les tenants et aboutissants de ces moments.
Chaque chapitre est centré sur une scène mémorable : la bataille au lavoir, la chute de Coupeau, la noce et la visite au musée. Puis, comme l'avait expliquée ma professeur de français de
l'époque, on atteint l'acmé du roman lors du repas autour de l'oie grasse rôtie. Bref, cela ira de mal en pis pour la pauvre Gervaise, ruinée par Coupeau et Lantier !
Ainsi, tous les épisodes suivants sont sombres : la mort de Maman Coupeau, la déchéance de Gervaise avec la perte de la boutique, ...
Entre ces moments décrits avec un maximum de précision (descriptions d'aileurs tout à fait différentes des descriptions chez Balzac), l'auteur intercale des ellipses de plusieurs années. Cela
rend la lecture assez vive, puisqu'on passe de moments forts en moments forts. Les 500 pages du roman s'avalent donc assez vite, et ce mérite revient selon moi à cette construction très
travaillée.
Ensuite, ce que j'ai apprécié dans cette relecture est cette plongée dans le Paris de Napoléon III, dans les quartiers populaires des grands boulevards, dans les troquets qui les longent. On
plonge dans toute la misère de cette période de construction et de transformation urbaine : la percée des boulevards, la construction des grands hôpitaux parcourent le récit. On y voit les
ouvriers au travail, à la forge ou sur les toits. Zola y traite également de la prostitution, avec la figure de Nana qui sera développée par la suite, de l'alcoolisme qui est ici son (presque)
sujet principal.
Cette évocation de Paris fait suite à celles de La Curée et du Ventre de Paris, qui ont un tout autre point de vue : les fortunés dans le premier, les commerçants
dans le second. Cette diversité des points de vue est une richesse incroyable sur la société de Napoléon III, et si les romans de Zola sont des fictions, la part documentaire constitue un
trésor inestimable.
Je ne serai donc que trop vous recommander de plonger de temps à autre dans un des romans de Zola, et L'Assommoir fait partie des plus importants de l'auteur. Sur les six que j'ai
lus, il n'y a que La Faute de l'Abbé Mouret qui m'a laissé sur ma faim. Mais autrement, que de bonheur de se plonger dans cette série !
A l'an prochain pour le prochain épisode !
Lire aussi l'avis de Nicolas et de Loupiotte
L'assommoir, d'Emile Zola
Ed. Pocket