Comme je vous l'ai dit il y a
quelques jours, l'écriture d'Annie Ernaux me plaît. Et quand ça me plaît j'essaie de découvrir l'ensemble de l'oeuvre de l'auteur. Après L'Événement, Une femme et La
Place, je me suis donc plongé dans ce Journal du dehors.
Entre 1986 et 1993, l'auteur recueille dans différents lieux publics les remarques de ses contemporains, et les retranscrit dans son journal. Les passagers du RER, le ramasseur de caddies du
centre commercial, les clients de la boucherie sont donc les personnages involontaires de cet ouvrage.
Une grande partie de l'ouvrage a pour lieu les transports en commun, notamment entre Paris et Cergy (où habite Annie Ernaux), d'abord dans le train vers Saint-Lazare, puis dans le RER A.
J'ai donc lu ces lignes sur les trajets autrefois empruntés par Annie Ernaux, et lors desquels elle a recensé toutes ces anecdotes. et c'est une lecture qui m'a paru vraiment appropriée pour
les transports, alors que je lis d'habitude assez peu dans ces conditions-là (sauf journal ou magazine). Appropriée car ce qui est rapporté dans l'ouvrage est tout à fait susceptible de se
produire à proximité.
Ce sont donc de petites notes, étalées dans le temps, que l'auteur ne fait pas que reproduire. Par petites touches toujours sensibles, elle essaie d'en ressortir des
généralités sur cette époque. Ainsi, les passages chez le boucher sont l'occasion de réfléchir sur les différentes positions sociales à travers le prisme de la consommation et de la
connivence avec le vendeur.
On ressort de cette petite lecture avec l'idée que ces petits riens, parfois insignifiants, font sens, et que c'est un ensemble duquel il est difficile de séparer les situations les unes des
autres. C'est à la fois assez réjouissant et angoissant, comme l'impression d'être pris dans un mécanisme dont il est impossible de sortir.
Bien sûr, la forme choisie risque de laisser certains lecteurs (ou lectrices) sur leur faim : une centaine de pages, vite lues. Elle-même explique dans l'ouvrage que la forme la frustre, car elle
ne peut pas se lancer comme dans un roman. Mais elle considère cette écriture comme nécessaire.
Enfin, ces situations sont celles d'il y a plus de dix
ans. On y retrouve donc des éléments aujourd'hui disparus, comme la célèbre enseigne Mammouth. Mais l'écriture d'Annie Ernaux et ses analyses rendent cette lecture intéressante et
intemporelle.
Je sens que son dernier livre, Les années, qui vient de sortir, ne tardera pas à être le sujet d'un billet ici...
Journal du dehors, d'Annie Ernaux
Ed. Folio