Au milieu des années 70, trois gamins des quartiers populaires jouent dans la rue. Ils s’amusent et traînent ensemble, mais ont chacun un caractère
bien particulier : Sean, élevé dans le quartier le plus huppé, est (déjà) très légaliste, alors que Jimmy, qui vient des quartiers délaissés, est une tête brulée. Quant à Dave, il suit
Jimmy, car il ne sait pas trop que faire d’autre, mais il passe souvent inaperçu. Ils mènent donc leur vie d’enfant jusqu’à ce que Dave soit enlevé, devant ses amis, et retrouvé quatre jours plus
tard. Dave est vivant, mais il ne sera plus le même. Les trois enfants se perdent de vue mais gardent contact, jusqu’à ce que, 25 ans plus tard, la fille de Jimmy soit assassinée : Sean est
responsable de l’enquête, et Dave essaie de soutenir Jimmy, son beau-frère.
Ce roman noir, écrit par Dennis Lehane, trouve sa place dans la série des grands romans noirs américains : un passé trouble, des
gangs qui s’occupent du quartier (Jimmy, et les Savage, les frères de sa femme), de la vengeance, une ambiance noire. Mais le plus de ce roman est de faire part des déchirures des protagonistes,
notamment du désarroi de Jimmy lorsqu’il réalise petit à petit que la disparition de sa fille est anormale, et que le fait de retrouver sa voiture abandonnée dans la rue est un signe
inquiétant.
Je ne suis néanmoins pas tombé en empathie avec la plupart des personnages, sauf Dave Boyle : il a eu son enfance gâchée par cet
enlèvement, et on sent sa fragilité tout au long du livre. Jimmy et Sean, malgré leurs fêlures, m’ont moins émus. Ils me sont parus froids, très automatiques, l’un dans la vengeance, le second
dans le respect de la procédure.
Je connaissais déjà l’histoire du roman car j’ai vu, il y a 4 ou 5 ans, le film adapté de l’ouvrage, avec Clint Eastwood à la
réalisation, et un trio impressionnant d’acteurs, Sean Penn (Jimmy), Kevin Bacon (Sean) et Tim Robbins (Dave). Je n’avais plus une idée exacte de la fin du roman, mais celle-ci m’est revenue
lorsque le « tueur » est apparu. Cela m’a donné la chance de lire un livre policier en connaissant ce qui doit être trouvé, et donc de voir comment l’auteur parvient à détourner les
suspicions du lecteur vers un autre personnage, tout en instillant des éléments qui sèment le doute sur le vrai tueur. Mais dans la frénésie de la lecture, il est assez rare de s’attarder à ces
détails, assez souvent des adjectifs qui accompagnent les descriptions du meurtrier.
J’ai donc lu ce livre de manière un peu différente d’un policier habituel, mais comme il est rare que je me replonge dans un livre déjà
lu, le fait d’avoir vu le film m’a permis une « seconde lecture » très intéressante, même si elle démystifie un peu le procédé d’écriture du romancier.
Mystic River, de Dennis Lehane
Traduit de l'américain par Isabelle Maillet
Ed. Rivages Noir